Tim: partie 4

Publié le 6 février 2011 par mapuce.bb

J’ai passé une main sous son menton pour le forcer à affronter mon regard. Alors j’ai vu ce qu’il tentait de cacher. Il avait tout l’œil gauche violacé et gonflé ainsi qu’une partie de sa pommette et de sa joue. Son arcade sourcilière était entaillée mais elle ne saignait plus. Cela devait donc faire plusieurs heures qu’il était dans cet état. Et j’étais certain de ne voir qu’une partie de l’iceberg !

J’ai soulevé les cheveux qui lui tombaient sur le front pour mieux examiner ses blessures puis je lui demandais doucement :

- Tu es retourné les voir, n’est ce pas ?

- … Je pensais que depuis tout ce temps les choses avaient évolué… dit-il la voix rauque.

Ma mère et mon frère semblaient heureux de me voir mais… pour mon père… rien n’a changé. En fait, je n’ai jamais été assez bien pour lui.

Et il se mit à pleurer réellement, tellement fort qu’il semblait avoir des difficultés à respirer. Je ne pouvais pas rester comme ça sans rien faire. Il était venu me voir moi, pas Eric ou un autre membre de la meute. Peut être parce qu’il avait aperçu ma douleur, ma peine à travers la carapace que je m’étais construite. Sa famille était toujours en vie mais pas pour lui. A leurs yeux, il était mort. Enfin plus précisément à ceux de son père.

Alors j’ai fait la seule chose censée dans ces cas là : je l’ai serré fort contre moi, sa tête reposant au creux de mon épaule droite. Il s’agrippait à mon tee-shirt comme un naufragé s’accrochant à une bouée. J’ai essayé de le faire asseoir sur le canapé en passant mes deux bras sous ses aisselles mais il s’écroula sur le sol en poussant un cri de douleur.

- Ça fait mal… gémit-il en sanglotant.

Je me suis agenouillé devant lui afin qu’il puisse poser sa tête tout contre mon torse dans une étreinte qui se voulait rassurante. J’avais peur de ce que je trouverais sous ses vêtements mais pour l’aider, il fallait que je vois jusqu’où s’étendaient les blessures de son visage. Et l’aide de l’ange ne serait pas superflu.

- Elyna ? appelais-je

- …

- S’il te plait, j’ai besoin que tu m’aides.

Je savais qu’elle était toujours là mais elle ne pouvait pas voir dans quel état se trouvait Tim de là où elle était. Nous étions cachés par le canapé. N’entendant toujours aucune réponse je m’apprêtais à me lever lorsqu’elle demanda sèchement :

- Quoi ?

Et le ton de sa voix failli me faire perdre le calme que je tentais de maintenir. Je comprenais parfaitement qu’elle m’en veuille mais je n’acceptais en aucun cas que Tim paie les pots cassés à ma place. Pourtant, je me contentais d’un « rien » avant de me concentrer sur le loup garou. Les disputes, ce sera pour plus tard Evan ! J’ai donc ignoré cette dernière pour simplement relever le bas de la chemise de Tim jusqu’à ses épaules. Et ce que je découvris me laissa sans voix et les larmes aux yeux. En même temps, une colère sourde remonta le long de ma colonne vertébrale et manqua de sortir de ma bouche par un grognement sauvage si je ne m’étais pas contenu.

Les mots manquaient tellement les blessures étaient importantes. Il avait la peau du dos en charpie ! Ce n’était qu’une masse de chaire sanguinolente. On ne pouvait même pas voir les traces de coup, seulement en deviner la violence. Comment avait-il pu faire ça ? Comment un père pouvait-il faire ça à la chair de sa chair, à son propre fils? J’ai sursauté en entendant à nouveau le son de sa voix.

- Il ne m’a pas adressé une seule fois la parole. Ma mère et mon frère ont fait leur possible pour détendre l’atmosphère mais mon père n’a pas décroché un mot !

Au moment de diner, il… il m’a dit que… les chiens ne mangeaient pas à table, que leur place était par terre à ses pieds. Je lui ai dit que j’étais un loup pas un chien et que malgré cette différence, j’étais toujours le même.

Alors il m’a balancé son point dans la figure.

Je me suis retrouvé à terre complètement sonné. Il m’a frappé une nouvelle fois avec ses pieds et ensuite il… il a ajouté qu’il allait me dresser, qu’il allait me montrer qui s’était le maître… il … il m’a frappé avec la boucle de sa ceinture… jusqu’à ce que je perde connaissance. Je l’ai supplié d’arrêter, je l’ai imploré et il a continué plus fort à chaque fois !!!

Il avait pleuré pendant tout son récit comme s’il était encore là bas. Au fur et à mesure sa voix grimpait dans les octaves jusqu’à qu’elle frise presque l’hystérie.

- J’étais tellement terrifié … je n’oublierais jamais son regard… c’était celui d’un fou ! A chaque coup qu’il m’a donné, il a grogné comme si c’était une superbe séance de baise… il a aimé ça, il a adoré ça même! Ajouta-t-il

Il était toujours agrippé à moi mais Elyna s’était rapprochée. Je ne m’en étais pas aperçu tant j’étais pris par le récit du lycanthrope. Et elle le regardait maintenant, la bouche entr’ouverte et les yeux écarquillés. Elle serrait si fort le canapé en cuir que ses phalanges avaient blanchi. Dans l’immédiat, ma colère envers elle s’était complètement évaporée. Il aurait été ridicule de se disputer. Pour l’instant Tim était ma priorité, le reste pouvait bien attendre.

Je lui ai donc tendrement caressé la partie de son visage resté intact, passant ma main dans ses cheveux. En général, le contact entre les membres d’une meute est apaisant. Certainement parce que chaque membre possède son odeur, une odeur de bois, de liberté et de puissance. Nous étions tous capable de tuer pour protéger les nôtres, moi plus que quiconque. Car même si je me cachais derrière une carapace, j’étais attaché à chacun d’entre eux. Ils étaient ce qui se rapprochait le plus d’une famille. Je m’étais éloigné simplement pour me protéger. Je ne voulais pas souffrir si l’un d’eux disparaissait. Malheureusement, c’était trop tard ! Voir Tim dans cet état mettait mon cœur à vif bien plus que je ne l’aurais imaginé.

- Tout va bien maintenant… dis-je d’une voix tremblante

Tu es en sécurité ici, personne ne te fera du mal.

J’ai murmuré des paroles apaisantes sans cesser mes caresses sur son visage inondé par les larmes. J’ai continué jusqu’à ce que son souffle se fasse plus faible, plus régulier et qu’il finisse par s’endormir. Je l’ai installé plus confortablement dans le canapé en passant un bras sous ses genoux et un autre vers la bas du dos, endroit le moins meurtrie. Il a quelque peu gémi dans son sommeil mais une fois installé sur les sièges de cuir, sa tête sur mes jambes, il s’est calmé. Elyna a étalé une couverture sur la partie inférieure de son corps avant de s’asseoir sur le fauteuil en face. Elle n’avait toujours pas parlé mais son visage n’exprimait plus aucune colère, plutôt de l’horreur.

Pendant qu’elle remettait ses idées en place, j’ai appelé Eric. En temps que chef de meute, il devait être informé de la situation pour pouvoir réagir. Cette fois, on ne pouvait plus laisser passer.

- Si tu appelles pour me dire que tu ne viens pas ce soir, tu peux raccrocher immédiatement. Il en est hors de question ! démarra-t-il sans préambule

- C’est Tim… répondis-je à mon tour

- …

- Il est allé voir ses parents … son père a voulu lui apprendre à obéir… Il… il est vraiment dans un sale état…

- Très bien, j’arrive de suite.

Et il coupa la communication. Décidemment, il prenait de mauvaises habitudes en ce moment ! Cela devenait un réflexe de raccrocher au nez des gens, j’osais espérer qu’il ne faisait pas la même chose à sa compagne.

Le silence s’est étiré sur plusieurs minutes. Nous n’entendions que la respiration et parfois les sanglots étouffés de Tim. Finalement il s’est roulé en boule sous la couverture tout en se pressant contre moi pour chercher du réconfort.

Jetant un œil à l’ange, j’ai remarqué qu’elle était pâle comme un mort. L’état de Tim semblait la préoccuper bien d’avantage que je ne m’y attendais.

- Viens là… l’appelais-je en désignant la place libre sur ma gauche

Elle arqua un sourcil me signifiant qu’elle était perplexe quant à ma soudaine gentillesse.

- Faisons une trêve, répondis-je à sa question silencieuse.

Nous reprendrons les hostilités demain si tu veux… J’ai eu mon trop plein d’émotions pour aujourd’hui et je n’ai pas envie de me bagarrer à nouveau avec toi.

Après quelques instants de réflexions, elle vint donc me rejoindre, un sourire timide accroché aux lèvres.

- Puis-je le toucher ? demanda-t-elle d’une petite en voix en désignant le loup garou.

Même si je fus étonné par sa demande, je n’en laissais rien paraître. Je n’aurais jamais pensé à une telle réaction de sa part. Au contraire, au vu de ce qu’elle avait aperçu ces derniers jours, j’aurais parié qu’elle mettrait le plus de distance possible avec notre race. Mais non ! Encore une fois, j’étais surpris.

- Bien sûr…

Elle passa doucement sa main dans les cheveux blonds de Tim, lequel était toujours collé à moi. Ce dernier contact sembla l’apaiser et ses traits se détendirent peu à peu. Il était venu chercher du réconfort, du soutien et quelqu’un à qui parler. Cependant une question restait sans réponse : pourquoi moi ?